#Tellement

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edito 19.06.2023

Vieillir à Festi’neuch

Rouquiniol

Vieillir en musique, mode d’emploi, avec l’expertise de My Name is Fuzzy.


En général, l’histoire commence avec la programmation. Les noms des artistes proposés évoquent des sonorités sympathiques sans que je sois capable de les relier à une référence quelconque. Je pense à mes connaissances communes qui vieillissent en même temps et qui année après année me disent qu’elles ne connaissent plus personne sur l’affiche à part p’têtre Junior Tshaka, et là, manque de pot, il ne joue pas cette année.

Les années passent, les modes aussi, puis elles reviennent un peu tous les vingt ans, comme les années 1990 sur les fringues des jeunes. Du coup, je me retrouve à scruter les descriptions d’artistes sur Internet, histoire de me mettre un peu à la page. Y’a quand même un peu beaucoup de dj’s parmi ces musiciens. Ce qu’ils proposent, ça vend du rêve : des émotions, des voyages musicaux entre chamanisme, expérience sensorielle atypique et rythmes envoûtants. Léger abus de qualificatifs pseudo-qualitatifs pour mettre en valeur ce qui reste du boum boum binaire pour certains.

Mais vu que je crois que je reste jeune au moins dans ma tête, je m’efforce de découvrir de nouveaux artistes. Comme par exemple Pomme, perle jusqu’ici inconnue de ma petite personne. Mon ouverture musicale connaît néanmoins apparemment certaines limites. À partir de quand les gens cessent de changer de goût et cristallisent sur certains plutôt que d’autres ? À l’heure où j’écris ces lignes, ma sœur revient d’un concert de Mylène Farmer dont elle ne s’est pas remise depuis genre quarante ans.

Je cause de tout ça avec un certain Bastien Bron, ou My Name is Fuzzy pour les intimes. Il me parle d’une recherche récemment menée sur les goûts musicaux, selon laquelle notre curiosité se mettrait en veille vers 35 ans : “Des gens sont persuadés que les nouveautés sont systématiquement moins bonnes que ce qu’ils écoutaient avant.” Fuzzy précise qu’il n’est ni psy ni sociologue, mais expert en cheveux. Du coup, des gens – ni toi, ni moi, les autres bien entendu – n’acceptent pas d’assumer qu’ils ne pigent pas les codes nouveaux, simplement parce qu’ils ne veulent pas faire l’effort de comprendre. Bastien compare cette réaction avec celle que nous pouvions avoir quand nous étions jeunes, à l’inverse, envers la génération de nos parents : l’incompréhension fonctionne dans les deux sens.

“L’autotune, c’est la fuzz des années 2010,” lâche Bastien, en se rappelant certaines critiques que d’anciens formulaient sur des “guitares sales” ou sur “un chanteur qui sait pas chanter” : “t’es pas obligé de tout aimer et il ne faut pas forcément le faire.” Il ajoute qu’il n’est pas musicologue non plus, et évoque un rockeur des années 1980 selon qui “la musique ne se fait plus que sur ordi, et tout se ressemble.”

Pour comprendre la nouveauté, il faudrait donc p’têtre commencer par s’y intéresser, avec un regard neuf : “On est est plus facilement touché par la musique quand on est jeune, on a plus de coups de cœur à 20 ans qu’à 40.” Avec l’âge, on pourrait tomber dans le panneau selon lequel on aurait un peu déjà tout entendu, voire fait le tour de la question ? L’ami Bastien invite les gens vieillissants que nous sommes tou.te.s à rester humbles et réalistes : « Les choses évoluent et ce n’est pas parce qu’on ne se retrouve pas dans les musiques actuelles que celles-ci sont moins qualitatives.”  En conclusion, histoire de la faire courte : le rap, c’était pas forcément mieux avant.”

📸 Selma Mehlum