À la recherche de pépites sonores
RouquiniolLa musique qu’il joue sent bon les tropiques, la chaleur et le groove. Afreekaya est un homme qui a plutôt la bougeotte, à commencer par ce week-end à Festi’neuch, où non seulement il vient de jouer cette nuit à l’after de la Case à Chocs et est également programmé sur La Plage dimanche, et vous pouvez aussi le croiser au bar de La Marée dont il est co-responsable.
De son vrai nom Volkan Kaya, le selecta d’origine turco-appenzelloise, revient de trois voyages effectués les six derniers mois. Il travaille pour le label Analog Africa, créé il y a plus de quinze ans par Samy Ben Redjeb. Volkan est l’assistant-“homme à tout faire” de ce dernier, faisant tout ce qu’il n’a pas envie de gérer dans l’administration ; Samy lui apprend les aspects artistiques du label. Analog Africa est un label de réédition : on y découvre des artistes, des rythmes, des chansons des années 1960 à 1980, sur vinyles ou cassettes. Les morceaux sont remasterisés et sortent sous forme de compilation sur le label. Ils collaborent avec Michael Graves, un ingénieur du son aux Etats-Unis pour les sonorités latines ou raffinées, et avec un autre en Angleterre qui est spécialisé dans le dub reggae et la bass music.
Volkan n’était alors pas encore dj mais avait déjà son blase, il réfléchissait à ce qu’il voulait jouer, plutôt dans l’afro-américain, puisqu’il avait des plaques dans ce style. Il traînait avec Madmas, son premier mentor de vinyle qui lui a fait comprendre qu’il devait rechercher des sons qu’il ne connaissait pas.
Il était en Erasmus de Sciences Po à Istanbul et a découvert Samy dans une soirée : il a pris une grosse claque. Il a invité ce dernier à manger une soupe à la fin de cette soirée : en Turquie, la tradition veut que vers trois-quatre heures du mat’, on mange une soupe et on papote autour d’un thé avant de se dire au revoir pour aller dormir.
Un an plus tard, Samy l’invite au Brésil pour le carnaval et ils se sont rapprochés. Samy cherchait quelqu’un pour l’épauler pour le label ; il a attendu trois ans pour que Volkan termine son master, et il l’a engagé 4 mois avant le Covid. Afreekaya se rend compte aujourd’hui qu’il utilise dans ce métier les compétences acquises durant ses études, notamment pour gérer la communication, la gestion interne du label, les recherches de musique et biographiques.
Pendant le Covid, il a essentiellement répertorié les chansons du label. Puis il a fait son premier voyage d’un mois au Zimbabwe en novembre dernier avec Samy afin d’observer comment il travaillait, avant d’aller trois mois plus tard au Congo sans ce dernier. L’objectif de ces voyages est de licencer des chansons : il s’agit de retrouver les ayants droit des musiciens ou des familles de ceux qui sont décédés, pour demander l’autorisation d’utiliser les chansons et de payer les droits. Ils demandent des photos d’archives, font des interviews pour les biographies et prennent des photos pour illustrer le tout ; le label est réputé pour la qualité de son travail de recherche et de publication. Volkan a ainsi rencontré des musiciens, des producteurs, des journalistes, des mélomanes, il a interviewé et beaucoup discuté avec ces gens pour croiser des informations sur les scènes musicales ciblées et des artistes recherchés.
À son retour en Suisse, il rédige la biographie de chaque artiste sélectionné pour la compilation, ainsi que plusieurs chapitres d’information pour contextualiser la recherche effectuée sur place. Cela permet par exemple d’expliquer comment évoluaient diverses scènes au Congo dans les années 1970, de décrire des labels emblématiques et l’industrie du disque.
Dans ses dj sets, Afreekaya a tendance à inclure des morceaux sélectionnés qui viennent d’être remasterisés mais qui ne sont pas encore sortis – histoire de se faire plaisir – et que le label est en train de tester. À force d’écouter et de jouer ces morceaux, Volkan peut prendre la température de la réaction des publics rencontrés. À savourer ou découvrir dimanche après-midi sur la scène de La Plage.