#Tellement

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interview 17.06.2023

À la découverte des sonorités japonaises

Anicée & Brízida


Est-ce que vous avez envie que le public s’intéresse à l’art japonais à l’issue de vos concerts ?

“Makoto San est né de deux univers qui réunissent la tradition et la modernité ; c’est ce qu’on essaie de travailler. En tant que Français, l’idée c’est aussi de parler d’un sujet qui est la culture du Japon vue à travers le prisme de l’Occident. On n’est pas vraiment des aficionados de la culture japonaise, on n’est pas des spécialistes. […] On est plutôt des enfants de cette culture japonaise qui nous est parvenue, des enfants du Club Dorothée. Par contre, ce qu’on aimerait faire découvrir à travers notre univers, c’est non seulement notre musique, la musique électronique, mais aussi l’acoustique, c’est-à-dire notre instrumentarium qui est vraiment fait en bambou, fait main, que nous avons construit. C’est vraiment un instrument à part entière, avec un son très particulier. Ce son-là, le timbre du bambou, c’est une vraie découverte, ainsi que tous ces instruments traditionnels qui viennent à la fois du Japon et de l’Indonésie. On a fait beaucoup d’actions éducatives avec les enfants, des publics empêchés ou qui ne connaissent pas du tout le milieu de la percussion. On a également fait beaucoup d’éveil musical grâce à notre instrumentarium.”

On associe directement le son du bambou justement à de la world music, global sounds, pour autant vous ne vous revendiquez pas du tout de ce style-là, mais plutôt de l’électro

“Le son du bambou est très dur et, avant de faire ce projet-là, on a joué certains instruments plus sous la forme acoustique. On était souvent interpellés par des gens dans la musique électro qui trouvaient cela très intéressant, parce que ça ressemble finalement aussi un peu à ça. Et on a eu l’idée à un moment donné de développer le mélange des deux et de mettre en parallèle ces deux sons dont un qui est très brut, acoustique, très organique et à la fois qui ressemble de très près aux sons électro qu’on peut retrouver dans la MAO. Ce qu’on essaie le plus possible, c’est de trouver chaque fois le mariage, le mélange et l’équilibre de ces deux univers. On est des percussionnistes, ce qui nous rassemble, ce sont les percussions, ce sont ces instruments. Après, on n’est pas Japonais et on parle effectivement un peu du Japon, mais il y a un second degré à prendre en considération. On est musiciens, on va puiser notre créativité dans la musique japonaise et toute l’histoire autour de Makoto San. Mais je pense qu’il faut désacraliser au maximum […].”

Est-ce que le fait d’être masqué, ça diminue votre trac ?

“En fait, ça nous plonge dans un personnage, l’idée c’est qu’on n’est plus soi-même sur scène, on intègre ce personnage, et oui, ça aide. Au final, c’est le premier projet où on se retrouve masqués sur scène. En vrai, c’est plus une contrainte sur scène parce qu’il fait très chaud, on n’y voit pas bien. Est-ce que ça nous désinhibe ? Un petit peu forcément, puisqu’on rentre dans un personnage de manga, de yokai – ça fait référence aux yokai qui sont des fantômes japonais, des esprits un peu maléfiques, on ne sait pas trop, on laisse planer le doute – et, en même temps, il y a un petit côté frustrant, car on ne peut pas être dans les yeux du public, on ne peut pas le regarder vraiment. Mais on est très contents derrière nos masques d’escrime. En tout cas, c’est intéressant pour le public aussi, car l’idée de cacher nos visages, c’est justement laisser le public s’évader, imaginer sa propre histoire et justement ne pas ramener des projections. On arrive vraiment à ressentir l’énergie de chacun et à la faire circuler. On sent une boule d’énergie qui se forme et après, l’idée, c’est de la faire monter et de la faire basculer vers le public !”

Vous avez déjà joué en Asie ?

“Pas avec ce projet-là, mais avec des projets antérieurs. C’était très enrichissant d’aller jouer là-bas. On a eu la chance de rencontrer des groupes de taiko qui sont des demi-dieux là-bas. Et on a vraiment ressenti ce côté martial et on a compris pas mal de choses en les voyant travailler. Cette discipline qu’ils ont en dehors du tambour. Il y a un tas de choses qui accompagnent leur hygiène de vie et leur journée, le tout mis au service du tambour !”

📸 Sven de Almeida